Comment allez-vous, amoureux et adoratrices de la littérature de fiction?
Après de longues semaines d'absences, je reviens avec une chronique.
Marien Fauney Ngombe, vous connaissez?
Si c'est oui, je me "tais" et vous invite à passer directement à la lecture de sa chronique qu'il a bien voulu consacrer au livre, Les malades précieux. Il l'a lu très récemment et m'a fait part au fil des jours de ses diverses impressions. Je lui ai demandé d'apporter son oeil et de mettre sa plume à la disposition de cet espace afin qu'autrui puisse savoir ce qu'il en a pensé.
Vous ne connaissez pas Marien Fauney Ngombe? Hum... Sachez qu'il y a plusiurs semaines, j'ai eu le bonheur de savourer son livre intitulé Le bâtiment A. Oui, vous avez compris qu'il est un homme de plume et a déjà deux bébés à son actif:
- Escales, sorti en 2010 (Editions Elikia), que j'ai connu grâce à la bloggueuse Liss Kihindou et lu par la suite;
- Le bâtiment A.
Obambe NGAKOSO, November 2014@
Les pages du recueil de nouvelles « Les Malades précieux » d’Obambé Gakosso se parcourent comme on se baladerait dans les rues d’une capitale d’Afrique en bras de chemise et en « michuni ya bata » (tong - en français).
Notre regard parcourt les rues et s’attarde sur des choses anodines parfois et souvent sans ignorer les choses essentielles.
A la différence, de cette errance, de ce regard superficiel, la plume de l’auteur nous invite à entrer dans les salons, dans les chambres et aussi dans les têtes des habitants de cette ville.
L’humour comme arme. L’auteur prend clairement le parti d’aborder avec humour les sujets traités. Tout y passe : escroquerie, adultère, népotisme, désœuvrement de la jeunesse et déliquescence d’un système politico-socio-économique.
L’œuvre se lie sans jamais (ou peu souvent) se départir d’un sourire aux lèvres. La plume enchante. La langue est riche en image. Il retranscrit aisément un jargon qui rappelle le Congo Brazzaville (jamais cité dans le texte), il utilise le lingala pour certains clins d’œils aux traits de caractères des personnages.
Mais là n’est pas l’intérêt premier du recueil. C’est au fil des pages que l’auteur nous amène à nous poser des questions. Derrière le sourire, les problématiques.
La quatrième de couverture met le lecteur sur la piste : « Les guerres du continent sont dépeintes par le biais de leurs conséquences : vol, escroquerie, achat des consciences. Ainsi va, la société postcoloniale qui pèse lourd sur le quotidien des citoyens, même quand ils veulent vivre en marge de la politique. »
Le décor est planté.
Le recueil s’ouvre sur « Je n’ai pas de temps à perdre », une nouvelle qui raconte comment Karumba et ses filles s’enfuient au village pour échapper aux affres d’une guerre qui bat encore la mesure de son atrocité. Dans cette fuite il doit se séparer de sa femme le temps que l’atmosphère s’apaise dans un pays où les milices se livrent à une chasse ethnique. On suit donc ce père, décrit comme un fumiste et irresponsable, faible devant le moindre jupon durant son cours séjour au village. Cette nouvelle m’a particulièrement émue. Le rapport du personnage principal avec sa grand-mère dont le courage fat naître en lui le sursaut nécessaire pour reprendre sa vie en main.
Ensuite l’auteur croque les figures emblématiques de la société africaine. Dans « La Fac au pied du baobab » le personnage nommé « Aspro Quinini Mabé » en fera rigoler plus d’un avec ses fabulations sur les filles et autres histoires à dormir débout. Aux détours de conversations pleines d’humour, l’auteur pointe du doigt un système dans lequel les étudiants ne sont rien d’autre que des futurs chômeurs, l’attitude des dirigeants suffisants qui croient préserver le pouvoir ad vitam aeternam.
C’est le ton de ce recueil. A chaque sourire une saillie envers tout un système.
On se délectera de la nouvelle qui donne son titre au roman. Elle manie les subtilités qui peuvent expliquer comment un homme vivant en Europe dans la posture d’un Médecin intègre peut au final rentrer au pays et se fondre dans le décor en se trouvant des circonstances atténuantes.
Avec cette nouvelle l’auteur après avoir fustigé de manière aigre douce le système, semble nous dire que l’horizon n’est pas rassurant. En effet, alors que le salut pourrait venir de ce médecin qui n’est pas redevable de l’establishment… cette nouvelle nous amène à nous demander comment changer en profondeur cette société qui fonctionne comme un rouleau compresseur et avale même ceux qui sont censés apporter du sang neuf mais finalement viennent juste pour « nourrir la bête ».
« Le procès de Papa » pique au vif les papas irresponsables. Ceux qui vivent au crochet de leurs enfants et qui entretiennent des « petites » et nous questionne sur l’indulgence à avoir ou pas…
Nous sommes dans une métaphore de l’arbre à palabres. Tout le monde y passe et tous les sujets y sont traités. L’écriture et d’un réalisme qui accentue l’immersion du lecteur et la cocasserie de la plume rend la lecture fluide.
« La fac au pied du Baobab », nous raconte avec toujours cette verve emprunte de drôlerie, le sort des étudiants obligé de cumuler cours à la fac et petit commerce pour joindre les deux bouts et surtout pour envisager poursuivre leurs cursus dans un autre pays.
Dans le tableau de cette Afrique, certains points restent rassurants.
D’abord Une jeunesse plutôt lucide quelque soit son milieu social. Une soif de connaissance pour cette même jeunesse et une volonté de changer les choses.
Pour finir, l’auteur porte un regard particulier sur les femmes. D’une histoire à l’autre, les femmes décrites sont plutôt des femmes fortes. Des femmes besogneuses – quelles vendent au marché ou quelles poursuivent avec abnégation leurs études. Des femmes pas toujours vertueuses (sans porter de jugement) mais des femmes qui assument leurs choix – mère cougar, maîtresse d’un « PDG » ou encore « grande sœur du quartier » batifolante -. Femme protectrice – La grand-mère courage qui à l’origine du « réveil » de son petit fils, la petite sœur indulgente envers un père démissionnaire,-.
Le recueil se ferme sur « le petit pompier » expression pour désigner un jeune homme qui vit une « histoire d’Amour » avec une femme « beaucoup » plus âgée. Cette nouvelle reprend tous les travers de la société à travers les vies des deux personnages principaux. Elle raisonne comme une synthèse. Mais une synthèse qui renforcerait le trait…
Un léger bémol, bien qu’on soit embarqué dans chacune des histoires par le style vivant de la plume, certaines chutes nous laissent sur notre faim ou ne sont pas de la qualité du récit mais n’est-ce pas là le propre des nouvelles que de parfois laisser le lecteur avide sur sa faim ?
Comme dirait l’autre : « je recommande ».