Il y a plusieurs mois, l’année passée, je ne me souviens plus quand exactement, Marien Fauney Ngombe, que je vous ai déjà présenté sur cet espace, me soumettait l’idée de rendre hommage à Franklin Boukaka, l’artiste engagé, par le biais d’un ouvrage collectif.
Le but du jeu étant de choisir chacun une chanson du très grand homme et de proposer un texte, une nouvelle de préférence. Votre serviteur a fait aussitôt le choix de la chanson, Pont sur le Congo. Cependant, ce n’est pas une nouvelle que je choisirai d’écrire mais un mini-essai. C’est vraiment ce que j’ai trouvé de mieux adapté pour la circonstance.
François Boukaka, dit Franklin Boukaka, né en 1941est un artiste très peu connu au Congo. Sans doute dû au fait que depuis 1972, il est décédé… La première fois que j’ai vue une de ses cassettes en vente à Mfoa, ça doit dater de 1991, au marché de Poto-Poto, arrondissement 3. Depuis lors…
Flash-back.
Nous sommes il y a bien longtemps, un soir, tard et la Voix de la Révolution Congolaise diffuse la mythique chanson de Boukaka avec les paroles que tout le monde connait (paradoxe…)
Ayé Afrika
Oh ! Afrika
Oh dipanda
Je suis tellement frappé par les paroles (déjà!) et je demande à m’en père de quoi il en retourne :
- Le chanteur s’appelle Franklin Boukaka et il est déjà mort.
- Mort ? Mais s’il est mort, comment sa chanson passe à la radio.
Mon père sourit et se met alors à m’expliquer comment et pourquoi on peut faire « parler », « chanter » un mort.
Je me posais toujours la question de savoir pourquoi ils avaient assassiné le poète engagé Boukaka mais en même temps, diffusaient ses mélodies à la radio. Ils aimaient les textes ou bien… ? Je ne sais pas finalement.
Avec Marien, nous nous sommes écrits par mail, par FB, par sms et on s’est appelés je ne sais combien de fois pour que ce bébé voie le jour. On a pensé aux doyens Clément Ossinondé et Pierre Eboundit pour signer les préface et postface de l’ouvrage. Pourquoi ?
Ossinondé est sans doute le meilleur connaisseur de la musique congolaise des deux rives et Eboundit a très bien connu cette époque au cours de laquelle son camarade, frère et aîné Boukaka a perdu la vie. Lui-même y échappera de très peu…
Eboundit a signé une préface qui rappelle combien Boukaka était un chanteur éminemment engagé. Il avait la politique chevillée au corps et il était très essentiel de le rappeler et cela a été un plaisir pour moi non seulement de lire cela mais de plus, d’insister sur cet aspect des choses, sur cette face de cet homme dans le mini-essai que j’ai commis dans notre ouvrage.
Combien de gens savent que Boukaka effectua un voyage en Corée du Nord et, là-bas, il vit des choses qui n'vaient rien à voir avec la réalité de son Congo natal: la gauche de là-bas était vraiment autre chose comparée à la bourgeoisie compardore qui faisait prendre des vessies pour des lanternes aux masses africaines. Il rentrera donc de là radicalisé, complètement changé et plus que jamais engagé aux côtés du peuple.
L’écrasante partie de l’œuvre de Boukaka est politique et pas du tout autre chose. Mettre en avant, en lumière cela était la moindre des choses, pour le militant Panafricaniste que je suis, que je pouvais, que je me devais de faire.
L’autre bataille a consisté à trouver des auteurs pour nous accompagner dans cette belle aventure littéraire collective. Ce fut sans doute la partie la plus difficile car même quand les gens vous disent « Oui ! » ne prenez jamais cela pour argent comptant.
Non !
Non !
Non !
Cela ressemble à des « Oui ! » de diplomates. Or, un diplomate ne dit jamais « Non ». Il dit « Peut-être », ou il dit « Oui ». Jamais « Non ! »
Durant des jours, des semaines, il a fallu sélectionner le monde qui devait monter dans le bateau. Quand les gens ont été trouvés, il a fallu les relancer sans cesse pour qu’ils envoient leurs textes et là, croyez-moi, il y a de quoi rire. Entre les ego surdimensionnés qui sont persuadés que sans eux, le blé ne poussera plus jamais en Russie ou qu’aucune femme ne tombera enceinte en 2017, on aura tout vu et tout lu.
Les textes arrivant, le comité de lecture (dont j’ai très modestement fait partie) a fait son travail de relecture et de correction. C’est un exercice passionnant, croyez-moi. et là, on a de belles et parfois de sacrées surprises.
Il a fallu écarte, oublier certains qui avaient promis, juré, une main sur le cœur, une autre sur leur poumon, que cette aventure, ils y tiennent comme à leur plus beau manteau qu’ils achètent chaque année en Île-de-France, à tel point que leur texte ne pourra qu’arriver. Et le texte n’est jamais venu. Heureusement que nous n’avons pas attendu comme Godot..
Comment faire adhérer des gens qui ne parlent pas un traître mot de lingala (ou de lari) à un tel projet ? C’est là qu’on se rend compte que Boukaka est sous-estimé : il est tout de même connu au-delà des petites frontières du fameux 242, le Congo rive droite…
Quelle vie aura ce texte ? Quel accueil recevra-t-il de la part du public ?
On aura deux réponses immédiates : le 5 mars, présentation officielle de l’ouvrage à Paris et le même mois, le Salon du livre de Paris.
Dans tous les cas, un livre écrit et publié n’appartient plus à son (ses) auteur (s) mais aux lectrices et lecteurs qui lui font, qui leur font le plaisir de le (les) lire.
Obambe NGAKOSO, February 2016, ©